Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

17 mai 2007

Sarkozy, la droite française et la Résistance

Le premier geste de Nicolas Sarkozy fut donc d' honorer la Résistance française, et spécialement la mémoire de Guy Môquet, fils d'un député communiste, communiste lui-même, arrêté à 16 ans et assassiné à 17 ans et demi. Encore eut-il convenu de rappeller qu'il fut "éxécuté", sommairement sur ordre de Vichy, comme "otage", afin d'apaiser la colère de l'occupant de peur qu'elle ne s'exerce sur des "honnêtes gens", des "Français innocents", comme dirait Raymond Barre. Pucheu, ministre de l'intérieur de Vichy désigna donc 27 prisonniers, la plupart communistes ou Juifs. Môquet avait été arrêté en 40 pour une distribution de tract illégale...
Guy Môquet, ancien élève, comme moi, du lycée Carnot à Paris, a toujours figuré dans mon Panthéon personnel. Vous savez, "si j'avais eu 16 ans en 40..."
J'aimerais reproduire ici la dernière lettre de cet enfant-martyr de la Résistance:

"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré
mon petit papa aimé"

"Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi.

Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas !

J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour.

A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

17 ans 1/2, ma vie a été courte !
Je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous.

Je vais mourir avec Tintin, Michels.

Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d'enfant.

Courage !
Votre Guy qui vous aime



Dernières pensées : "Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !"


Note :

(Jean, Roger et Rino, sont des « frères » de combat militant.

Tintin désigne Jean-Pierre Timbaud . Michels, c'est Charles Michels. Ces deux hommes seront exécutés aussi le 22 octobre 1941)


L'exemple de Guy Môquet est en effet tout a fait édifiant pour les jeunes Français d'aujourd'hui.
Au delà de l'hommage, la volonté de Sarkozy de renouer avec le souvenir de la Résistance, avec laquelle ses prédécesseurs se trouvaient plutôt mal à l'aise est tout à fait remarquable. De Gaulle n'avait rien à prouver et laissait ses compagnons entretenir le culte, pendant qu'il récupérait les "meilleurs éléments" fourvoyés sous Vichy, comme Papon. Pompidou qui n'avait pas résisté, honteux d'avoir été "planqué" était plus que discret sur la question. Giscard fit de Papon son ministre et supprima le 8 mai férié. Mitterrand qui parvint pratiquement jusqu'au bout à faire oublier sa Francisque et son amitié, jusqu'au bout avec Bousquet, considérait cette histoire comme un ferment de division entre les Français. Les choses,comme on le sait n'étaient pas toujours blanches ou noires. Sauf pour Guy Môquet et ses "frères". Chirac, fit beaucoup pour la réparation morale envers les victimes de Vichy, particulièrement les Juifs, mais pour une raison curieuse ne vouait aucun culte à la Resistance.
On sent au contraire Sarkozy porté, hanté presque, par cette épopée. Celà s'explique assez bien par une forme de culpabilité qu'ont ressenti toutes les générations qui comme lui, comme moi, n'ont eu à éprouver ni l'occupation, ni la guerre d'Algérie. A ses débuts, avant d'être aimanté par la vitalité politique de Chirac il était chabaniste.
Cette réappropriation républicaine de la Résistance est permise par le temps et le changement de génération. On sent aussi que Sarkozy est tenté de se servir de cette flamme pour mettre un terme à "la repentance, cette forme de la haine de soi". Pour l'opposer aussi à la "révolution bourgeoise" des enfants gâtés de 68. Opposer Guy Môquet à Cohn Bendit serait pourtant dérisoire et brutal. L'histoire de France est un tout. Aucun épisode ne peut-être "liquidé". Même s'il est légitime de vouloir en corriger certains effet pervers, il faut aussi savoir en reconnaitre les bienfaits. Pour tout le monde. Ainsi, comme l'a remarqué Jacques Delors, "la nouvelle société" de Chaban, les réformes libérales de cette époque, n'auraient jamais vu le jour sans le mouvement déclenché en mai 68 dans les universités, mais aussi dans les usines.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très bon article de votre part, Sylvain, comme la plupart du temps d'ailleurs.
Bien qu'opposant à Sarkozy, j'ai été moi aussi très sensible à son premier geste de président : demander à ce que la lettre de Guy Moquet soit lu à la rentrée scolaire aux lycéens.
Samuel.