Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

26 septembre 2007

Birmanie, les moines face aux képis


Toutes les religions se valent dit-on en politiquement correct. Pourtant, lorsque des dizaines de milliers de moines bouddhistes défilent en Birmanie contre la junte militaire, les démocraties se portent à leur secours, soucieuses d'éviter un nouveau bain de sang. C'est que, en politique, le bonze inquiète moins que le mollah...

23 septembre 2007

Chiens méchants et la muselière de Fillon

Bon, et si on parlait d'autre chose? Un dernier mot, quand même: cette histoire de chiens dangereux (encore une fillette mordue à mort par deux dogues allemands dans l'Oise), montre encore l'inanité de certains propos tenus ici par certains inconditionnels de la cause animale (du genre: "Aucun animal ne tue par plaisir"). L'homme a le pouvoir de façonner les races à volonté, pour le meilleur ou pour le pire. Quand j'entends la présidente de la SPA voler au secours de ces charmants molosses tueurs d'enfants, alors que le gouvernement cherche justement à les mettre hors d'état de nuire, je reste songeur. Je sais que je vais encore me faire des amis...

Enfin, essayons tout de même de changer de sujet. Il faudrait créer une SPF: Société Protectrice de Fillon. L'homme que Sarkozy étouffe de son omniprésence médiatique est en effet d'une espèce rare dans ce pays. Celle des Barre (quand il ne faisait pas l'apologie de Papon) et Rocard. Voici que ce réformateur ambitieux qui ne craint ni de parler vrai, ni d'être impopulaire a décidé de se débarrasser de sa muselière. Avec une forme d'austérité de circonstance qui tranche catégoriquement avec le côté flamboyant de Sarkozy qui commet la faute de goût de s'afficher en compagnie de milliardaires au moment où l'Etat est "en faillite" (Fillon). Un contraste saisissant jusque dans leur look: Voyez ce mépris des modes vestimentaires du premier ministre, quand Sarkozy soigne son apparence dans d'impeccables costumes Prada. Et cette raie bien marquée sur le côté qu'il doit porter au même endroit depuis ses années lycées. Ainsi est Fillon qui pourrait bien devenir indispensable dans les temps pénibles qui s'annoncent.
Et que dire de cette pauvre Christine Lagarde qui avec ingénuité et spontanéité a osé de parler de rigueur. Y penser mais ne jamais en parler, règle d'or que s'est empressé de lui rappeler le patron. Pourtant il l'aimait bien, jusque là, Lagarde et lui prédisait une belle carrière. Patatras?
Sarkozy serait bien inspiré de laisser un peu plus de champ à ses deux là. Non pas de faire "la sieste", car les Français souhaitent que le Président soit à la manœuvre, mais de respecter quelques distances constitutionnelles avec le premier ministre, responsable devant un parlement de plus en plus soumis, hélas. Adepte du système américain en tout, Sarkozy oublie que, là-bas, les pouvoirs importants du président sont équilibrés par ceux du congrès qui contrôle ses moindres faits et gestes. Est-il prêt à aller jusque-là?
Pour le moment, grisé par son succès électoral, il est vrai spectaculaire, il fait comme Giscard en 74, et Mitterrand en 81. Mais, comme hier, cela n'aura qu'un temps.

11 septembre 2007

Suis-je un barbare?

Si j'en crois Renaud Séchan, il faut croire que oui. Car je fais partie de ceux qui prennent plaisir au spectacle de la corrida, avec-je le précise sans aucune volonté de provocation-mise à mort du taureau. Je ne vous ai jamais entretenu de cette passion jusqu'ici, étant le contraire d'un prosélyte. Je trouve parfaitement respectable qu'on n'aime pas la corrida et même qu'elle répugne à certains. Ce qui m'a poussé à transiger avec ce principe c'est le clip anti-corrida commenté par M. Renaud. Que dit-il? Qu'il s'agit "à l'aube du troisième millénaire" d' un spectacle "barbare" où l'on "torture" impitoyablement un animal en public. Je reviendrai sur le terme. Mais surtout il invite chacun à "rejoindre la civilisation", en signant évidement la pétition des anti. Me voici donc rejeté, exclu de la civilisation, au sens de Renaud évidement. Car, à vous je ne sais pas, mais à moi ce type de discours m'évoque furieusement la rhétorique du bien et du mal qui hérisse tant le même Renaud et d'autres avec lui, lorsqu'elle est employée par Bush, par exemple, à propos de l'Irak. M. Renaud est tellement persuadé d'incarner la civilisation, que, forcément, tout ce qu'il n'aime pas et ne comprend pas est assimilé par lui à de la barbarie.
Je ne vais pas me livrer à une longue argumentation sur le sujet. Je renvoie simplement à l'ouvrage de Francis Wolff (ENS) "Philosophie de la Corrida"(Fayard), et pour ceux qui ont moins de temps à sa récente tribune dans Libé.
J'insiste seulement sur un point: Pour qu'il y ait torture, il faut que le "torturé" soit au préalable privé de ses moyens de défense, ce qui n'est nullement le cas du toro de combat. Celui-ci est au contraire élevé afin de développer au maximum son agressivité et sa combattivité. Une toute petite partie des bêtes sera d'ailleurs jugée digne de combattre dans des arènes, ce qui rend l'activité d'éleveur extrêmement aléatoire. Interdire la corrida aboutirait au contraire de ce que souhaitent les "anti"( du moins je l'espère) à la disparition totale de ces races de taureau, élevées chèrement dans le seul objectif du combat. ce serait un véritable génocide. On touche ici au ridicule de ce combat: "protéger" cet animal si particulier, revient donc, paradoxe absolu à la faire disparaitre en tant qu'espèce.
Reste la question du spectacle. S'agit-il d'un spectacle visible par "tous publics". Certainement pas. Il y a tous ceux qui ne supportent pas, ne comprennent pas. Ceux-là ne sont pas obligés de payer (cher) des places pour les arènes, ni même de le regarder à la télévision. Et les enfants? Je ne crois même pas qu'il s'agisse d'une question d'âge. J'ai élevé mon fils dans le respect des animaux, et nous avons un animal domestique qui est pour nous comme un membre à part entière de notre famille. Je ne l'ai jamais obligé à voir une corrida. Pendant longtemps, l'idée de la mise à mort lui posait problème. Jusqu'au jour où, à 9 ans, il était lui même demandeur. Il avait l'intention de se cacher les yeux pendant ce moment qu'il continuait de redouter, mais, sans s'en rendre compte, il l'a parfaitement supporté, et, je crois compris la chose.
L'animal meurt(souvent) dans l'arène. Bien ou mal c'est une autre question qui n'intéresse que les aficionados. C'est violent. Il meurt aussi violemment dans la nature lorsqu'il se trouve face à un de ses prédateurs. Or le taureau est une proie et l'homme qui l'a élevé est son prédateur. Il en va de même de la vache qui discrètement est emmenée à l'abattoir pour finir en steak dans nos assiettes. Sans que cela suscite autant d'émotion, alors que soit dit en passant, parfois cela devrait.
Certains enfants, et même certains adultes-ce qui est moins excusable- ont du mal à admettre ces évidences de l'ordre naturel qu'ils perçoivent comme de la cruauté. Un lion qui broie le cou d'une gazelle est-ce de la cruauté, ou simplement naturel, l'exercice de son instinct? Un chat peut-il encore chasser des oiseaux, ou bien cela lui sera-t-il bientôt interdit? Et les vers de terre dont se repaissent les oiseaux ne font-ils pas eux aussi partie du règne du vivant? Allons nous aussi les protéger et faire en sorte que les oiseaux deviennent végétariens? La bien-pensance actuelle, le principe de précaution et l'hygiénisme triomphant voudraient nous faire oublier cela et nous parlent de torture en mettant sur le même plan le sort des taureaux de combat et celui des réfugiés du Darfour. Au fond, tout simplement l'homme sur le même plan que l'animal. Mais si nous avons bien des devoirs envers les animaux, n'est-il pas, au contraire indispensable que l'homme prenne conscience de sa supériorité sur l'animal. Contrairement au fauve qui charge par instinct (en tout cas c'est dans cet objectif qu'il est élevé), l'homme ou plutôt le torero, lui, n'obéit pas à une pulsion. Au contraire, il codifie étroitement la mise à mort, la sublime et l'apprivoise en même temps, sans doute pour adoucir le sentiment de l'ineluctable. En respectant ces règles qu'il a lui-même fixées, il accepte aussi la possibilité d'y laisser sa vie. Il est aussi possible de voir dans la mise à mort l'accomplissement de la civilisation (et oui!) sur la bestialité. L'homme peut tuer un taureau dans une arène. Mais il a su faire preuve du savoir faire nécessaire pour faire naitre, vivre et mourir celui qui devient, une après-midi, son adversaire.

06 septembre 2007

Une nouvelle occasion historique

On n'a pas assez souligné l'importance du dernier discours de François Hollande devant l'université d'été du PS. Et surtout ce passage, cet aveu: "la France ne travaille pas assez". Je crois que jamais encore un premier secrétaire, un dirigeant important du parti socialiste (surtout dans l'opposition), n'avait fait un tel diagnostic. Royal avait bien laissé entendre quelques critiques contre les 35 heures, ou plutôt leur application, mais n'aurait jamais osé aller aussi loin. Cette reconnaissance (enfin !) par le leader de l'opposition du mal fondamental de l'économie française est un véritable tournant. Hollande a raison de dire qu'elle est plus importante que l'adhésion du PS, acquise depuis longtemps, aux principes de l'économie de marché. Elle devrait normalement signifier qu'il existe un consensus sur cette question et donc (là je m'avance beaucoup) sur les solutions.
Ce constat, même tardif, signifie que les politiques sont d'accord pour penser que si la France possède la croissance la plus faible de tous les pays européens (les chiffres du premier trimestre 2007 sont consternants) cela est du à un problème d'offre et non de demande. Si la France ne travaille pas assez c'est qu'elle est assommée par la fiscalité sur le travail et par un code du travail qui dissuade les entreprises d'embaucher quand leurs carnets de commande sont plein, de peur de ne pouvoir diminuer la masse salariale en cas de coup dur. Or, on peut retourner la question dans tous les sens, la seule piste intelligente était la TVA, dite "sociale" qui ferait participer tous les consommateurs (et non plus les seuls contribuables) sur tous les produits, nationaux ou importés, au financement de la solidarité. Les revenus du travail au noir seraient taxés-presque- comme les autres alors qu'aujourd'hui les salariés supportent l'essentiel du fardeau.
L'argument de l'inflation est fallacieux. Seule la trouille politique explique les hésitations. Aucun des pays qui ont adopté ce système n'ont eu à le regretter. Or, le gouvernement vient de le repousser, en tout cas jusqu'en 2009. Mauvais décision, encore une, après plusieurs choix industriels discutables (Suez-GDF, EADS), une reforme de l'université avortée, et des distributions improductives de cadeaux fiscaux au noyau dur de sa clientèle électorale. Jusqu'ici au moins, Sarkozy, le président le plus prometteur qu'ait eu la France depuis bien longtemps a préféré l'intérêt de ses électeurs aux intérêts de la France.
Reste à voir comment il se tirera de la reforme de la fonction publique et des baisses d'effectifs, autre condition indispensable à la croissance et à la compétitivité. Pour l'instant je reste sur ma faim. On dit souvent que l'élection de Sarkozy est le "mai 81" de la droite. En terme de symbole, de rupture et de promesse (dans le sens noble), c'est vrai. Il ne faudrait pas pousser la comparaison trop loin.
Pas plus que Mitterrand en 1981, Sarkozy n'est responsable de l'état alarmant de l'économie française en 2007. Ce n'est pas une raison pour la plonger encore plus dans la crise, comme le fit son illustre prédécesseur en pensant surtout à nourrir l'appetit du peuple "de gauche" pour les symboles.
Or, aujourd'hui se présente une occasion historique de mener à bien des réformes de structure qu'ont déjà faites tous nos partenaires depuis une quinzaine d'années. Tout est à revoir dans les modes de pensée et de calcul, pour intégrer par exemple la fiscalité écologique. Cesser aussi de raisonner en fonction de taux de chômage, mais plutôt de part de la population active dans la population totale. On sait en effet que la légère baisse des statistiques du chômage dans la dernière année était due à des radiations et à des facteurs démographiques favorables. Elle ne signifiait pas que la France travaillait davantage.
Il est donc plus que temps de quitter nos réflexes malthusiens et de mettre en application les solutions recommandées depuis près de 20 ans maintenant par des centaines de rapports et études, plutôt de constituer encore des commissions composées de brillants esprits qui aboutiront inévitablement aux mêmes conclusions. Tout ou presque était déjà dans la note de la Fondation Saint Simon datée de 1994 et signée Denis Olivennes (aujourd'hui patron de la Fnac), sobrement et justement intitulée: "La préférence française pour le chômage". On en est encore là.