Le blog de Sylvain Attal/ "La vie n'imite pas l'Art, elle imite la mauvaise télévision." W.Allen

16 décembre 2008

Lancer de Babouches sur Bush: est-ce de l'art ou de la politique?

C'est le happening de l'année 2008: Le double lancer de tatane du journaliste egyptien Mountadar al Zaidi. La double esquive de Bush. Bon pied, bon oeil. Le premier (sorte de version orientale de notre entartreur belge) est devenu le héros de l'année dans le monde arabe, détronant le petit Mohamed Al-Duhra. Dans les rues arabes on ne défile plus en brulant le drapeau américain, mais en brandissant des chaussures: la nouvelle arme de l'opprimé arabe face à la puissante armée du "grand satan". Le second quitte la scène en montrant que si sa politique moyen-orientale fut pour le moins approximative, il lui reste de bon reflèxes. Aux dernières nouvelles chacun s'emploierait à éviter la prison à "Human Pompe", et c'est tant mieux. Si tous les anti-américains se contentaient de lancer des chaussures sur l'objet de leur ressentiment plutôt que de poser des bombes ou de mitrailler d'innocentes victimes, l'humanité aura fait un grand pas en avant. Mieux vaut une paire de godasses sur Bush que deux avions sur le World Trade Center. Une chose parait certaine, compte tenu de l'enthousiasme arabe, aucun Thierry Meyssan ne viendra nous expliquer qu'il s'agit d'une conspiration américaine destinée à prouver la santé de leur Président. Just kiding.
Notons déjà qu'en plus d'être devenu mondialement célèbre (A-t-il entendu parler de la prophétie d'Andy Warhol sur le quart d'heure de célèbrité auquel chacun a droit?), l'obscur journaliste sera peut-être riche. En effet, sans même passer par la case E-bay, l'objet du délit s'arrache à prix d'or. $100000 à droite pour l'ancien coach de l'équipe de foot irakienne! 10 millions à gauche pour un saoudien anonyme! La paire de babouches achetée quelques dollars sur un marché de Bagdad spécialement pour l'occasion est devenue une oeuvre d'art...la video visionnée des millions de fois sur You-Tube. Gageons que modèle en question fera fureur à Bagdad ou au Caïre en 2009. Je me pose quand même la question: En droit irakien, l'agresseur reste-t-il le propriétaire des chaussures, qui deviennent des pièces à conviction? Rien n'est moins sûr, puisque si en la matière, s'agissant d'un "meuble", possession vaut titre, les chaussures appartiennent donc désormais-si la justice et l'Etat irakien ne s'en saisissent pas-à celui qui les a ramassées, c'est à dire, très probablement, à un membre du service de sécurité du Président américain. Mais cessons de pérorer.
En 2003, les irakiens heureux d'être liberés du tyran Saddam frappaient sa statue de la semelle de leurs chaussures, geste qui vaut suprême insulte dans le monde arabe. 5 ans plus tard, Bush échappe de justesse au ridicule grâce à son sens de l'esquive. Il s'en est fallu de peu, mais, après tout, c'est le geste qui compte, non? Dans son premier commentaire, Bush, sur un ton assez patelin, a fait observer que c'était une façon comme une autre d'attirer l'attention sur soi dans une société libre et démocratique. Façon de souligner le chemin parcouru par les irakiens en quelques années. Nous vous avons débarassé d'un dictateur et en plus nous vous donnons même la possibilité de nous foutre des coups de semelles sur la gueule. C'est pas extra la démocratie? Encore une victoire de Washington, donc, mais que les Arabes transforment en défaite. Pourtant, essayez donc de lancer une paire de chaussures à la figure, disons de Khadafi ou d'Assad, et on en reparlera.
Les libérateurs (spécialement les liberateurs américains comme Donald Rumsfeld) commettent des erreurs. Celles-ci se nomment Abu-Ghraïb ou encore la dissolution du parti Baas. Mais leur plus grande est de penser que les opprimés leur seront reconnaissant éternellement d'avoir mis fin à leur calvaire. La victoire du libérateur ne fait au contraire que souligner leur propre impuissance à se soustraire au joug qui les écrasait.

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